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E-sport : état des lieux du nouveau cadre juridique prévu par le projet de loi pour une République numérique

Pourquoi encadrer juridiquement l’e-sport en France ?

Tout d’abord, pour sécuriser l’organisation des compétitions d’e-sport, antérieurement assimilables à des loteries prohibées, notamment grâce à la création de la Fédération France-E-sport regroupant des organisateurs de tournoi, des diffuseurs, des joueurs et des représentants des éditeurs de jeux vidéo.

Ensuite, il s’agit de clarifier le statut social des joueurs de compétition d’e-sport en leur permettant de cotiser sur leurs revenus.

Enfin, l’objectif est également de dynamiser l’e-sport en France en créant des partenariats entre la sphère publique et la sphère privée, et pourquoi pas d’intégrer une épreuve e-sport lors des jeux olympiques de 2024 qui pourraient se dérouler à Paris !

Chronologie :

Le projet de loi pour une République numérique a été déposé à l’Assemblée Nationale par le Gouvernement le 9 décembre 2015.

Visant, de manière globale, à anticiper les changements liés au numérique, ce texte comporte 3 volets :

  • La circulation des données et du savoir
  • La protection des citoyens dans la société numérique
  • L’accès de tous au numérique

Le texte a été adopté en première lecture par l’Assemblée Nationale le 26 janvier 2016 et transmise au Sénat, qui l’a modifié et adopté le 3 mai 2016.

La commission mixte paritaire, composée de sept députés de l’Assemblée Nationale et de sept sénateurs, s’est réunie et a adopté une version modifiée du texte le 30 juin 2016.

Il s’agit de la dernière mouture existante à ce jour.

Rapport sur la pratique compétitive du jeu vidéo :

Le 18 janvier 2016, Le Premier Ministre a commandé un rapport sur l’e-sport au député M. Rudy Salles et au sénateur M. Jérôme Durain.

Un rapport intermédiaire a été livré le 24 mars 2016 à Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État au Numérique.

En substance ce rapport préconise une clarification législative permettant d’autoriser expressément la tenue de compétitions de jeux vidéo, physiques et payantes, de protéger les mineurs y participant (autorisation parentale) et d’encadrer les diffusions audiovisuelles de ces compétitions afin qu’elles ne soient pas qualifiées de publicité dissimulée.

Le joueur professionnel devrait bénéficier d’un contrat de travail spécifique et d’un statut social se rapprochant de celui du sportif professionnel. Des visas facilités pourraient par ailleurs attirer les joueurs internationaux.

Les rapporteurs préconisent également la création d’une structure de gouvernance de l’e-sport et un taux de TVA réduit pour les droits d’entrée des spectateurs de compétitions.

Projet de loi pour une République numérique (version du 30 juin 2016) :

La section 3 du projet de loi traite des compétitions de jeux vidéo.

L’article 42 du projet de loi :

Renvoie au code général des impôts pour définir le jeu vidéo : « tout logiciel de loisir mis à la disposition du public sur un support physique ou en ligne intégrant des éléments de création artistique et technologique, proposant à un ou plusieurs utilisateurs une série d’interactions s’appuyant sur une trame scénarisée ou des situations simulées et se traduisant sous forme d’images animées, sonorisées ou non. »
Définit une compétition de jeux vidéo : confrontation d’au moins deux joueurs ou équipes de joueurs pour un score ou une victoire ;

  • Exclut la prise de paris des compétitions de jeux vidéo ;
  • Exclut des loteries prohibées les compétitions physiques dont les droits d’inscription et gains/lots n’excèdent pas une fraction du coût total d’organisation ;
  • Au-dessus de cette fraction, les organisateurs doivent prouver que les lots/gains sont reversés en totalité aux participants ;
  • Les compétitions doivent être déclarées par les organisateurs à l’autorité administrative compétente ;
  • La participation des mineurs est conditionnée à une autorisation parentale ;
  • Les gains perçus par les mineurs sont qualifiés de rémunérations : une part de cette rémunération peut être laissée à la disposition de ses représentants légaux. Le surplus, qui constitue le pécule, est versé à la Caisse des dépôts et consignations et géré par cette caisse jusqu’à la majorité de l’enfant. Des prélèvements peuvent être autorisés en cas d’urgence et à titre exceptionnel ;
  • Les frais de participation d’une compétition en ligne et les frais d’acquisition du jeu vidéo ne sont pas considérés comme des sacrifices financiers susceptibles d’amener la compétition à être qualifiée de loterie prohibée ;
  • Le fait d’engager un mineur de moins de 16 ans dans une « team » participant à des compétitions est subordonné à une autorisation administrative.

L’article 42 A bis A du projet de loi :

  • Définit le joueur professionnel de jeu vidéo compétiteur salarié, rattaché à une « team » agréée par le ministre en charge du numérique ;
  • Un contrat à durée déterminée spécifique s’inspirant de celui utilisé dans le sport de haut niveau lui est applicable ;
  • Ce contrat est obligatoirement à durée déterminée. Cette durée ne peut être inférieure à une saison de jeu vidéo compétitif de 12 mois ou moins sous réserve que ce soit jusqu’au terme de la saison ou pour assurer le remplacement d’un autre joueur ;
  • La durée de ce contrat de travail ne peut excéder 5 ans, avec renouvellement possible ;
  • Le contenu du contrat est listé (notamment la rémunération) et ne peut faire l’objet de clauses de rupture unilatérale pures et simples. La sanction en cas de non-respect de ces dispositions est la qualification du contrat en CDI et une amende de 3.750€ (7.500€ pour toute récidive) ;
  • Enfin, la « team » agréée doit offrir au joueur salarié des conditions de préparation et d’entraînement équivalentes à celles des autres joueurs de la « team ».

Le projet de loi pour une République numérique, dans sa version issue de la Commission mixte paritaire, a été adopté par l’Assemblée Nationale, ce mercredi 20 juillet 2016.

Il sera examiné par la Sénat le 27 septembre 2016.

Il est à espérer que ces nouvelles dispositions, confrontées à la pratique, sécuriseront les organisateurs de compétitions et les joueurs, dynamiseront effectivement l’e-sport en France et ne créeront pas de lourdeurs théoriques.