En France, face à la crise sanitaire, la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des
libertés) s’est engagée à accompagner les professionnels et les particuliers en proposant
des fiches de conseil et de rappel pour les orienter dans la poursuite de leurs activités et
répondre aux questions sur leurs droits.
Mais la Commission s’est également engagée à accompagner les pouvoirs publics dans la
lutte contre la COVID-19 en contrôlant deux projets phares : l’application “TousAntiCovid” et
le “Passe Sanitaire”.
Or, suite à l’allocution du président de la République en date du lundi 12 juillet, le passe
sanitaire sera dorénavant mis en oeuvre, étendu et obligatoire. Certaines de ces nouvelles
mesures vont pourtant à l’encontre des préconisations de la CNIL, dont la présidente Marie
Laure Denis a pris la parole le mercredi 21 juillet afin de mettre en garde les pouvoirs
publics.
Ces modifications constantes à propos du passe sanitaire semblent provoquer beaucoup
d’incompréhension, cet article aura alors pour but de remettre en perspective les
interventions et les apports de la CNIL sur le passe sanitaire.
1. Les avis de la CNIL précédant l’extension (12/05/2021 et 07/06/2021)
Le projet du passe sanitaire fut étudié pour la première fois par la CNIL le 12 mai 2021. Bien
qu’elle n’ait pas été sollicitée lors des débats parlementaires, la Commission avait alors
validé le projet en extrême urgence tout en émettant quelques réticences. Le 7 juin 2021, la
CNIL rend un second avis sur les conditions de mise en oeuvre du passe sanitaire, alors
déployé dans le cadre de la troisième phase de déconfinement.
A. Respect des droits et libertés fondamentaux
La Commission saluait dans un premier temps, l’exclusion, dans ce dispositif conditionnant
l’accès à certains lieux, de ceux ayant trait aux activités quotidiennes de la population et
ceux liés à certaines manifestations habituelles de libertés fondamentales. En effet, la CNIL
estimait que ces limitations apportaient des garanties en matière de droits et libertés des
personnes. Ainsi, étaient exclus les restaurants, lieux de travail, commerces mais également
la liberté de manifester, de réunion politique/syndicale ou la liberté de religion ; la liste précise
des lieux concernés par le passe sanitaire étant précisée dans le décret du 7 juin 2021.
B. Respect de la vie privée et protection des données personnelles
La CNIL a précisé la nécessité de définir les modalités concrètes du dispositif, afin de
garantir le droit au respect de la vie privée et à la protection des données personnelles. Ainsi
celle-ci demandera une solution qui permettrait de limiter l’accès aux personnes autorisées à
vérifier les certificats à un résultat. Ce qui sera mis en place par la suite au moyen de
l’application mobile “TousAntiCovid”, qui n’affiche uniquement que les noms, prénoms, date
de naissance et résultats positif ou négatif de détention d’un justificatif conforme. Aussi,
aucune donnée personnelle ne devra être conservée ni par le serveur central, ni par
l’application.
C. Maitriser le risque de discrimination
La Commission rappelle également la nécessité d’inclure différents types de preuves,
comme la version “papier”, afin d’éviter tout risque de discrimination à l’égard de la capacité
d’accès et d’usage des outils numériques. Ces alternatives devront également présenter le
même contenu nécessaire au contrôle du passe sanitaire.
La CNIL précisera également que ce dispositif ne peut se justifier qu’en complément d’une
politique d’accès aux tests et aux vaccins active et équitable.
D. Caractère temporaire du dispositif
Enfin, la CNIL ne cessera d’insister sur la nécessité du caractère temporaire du dispositif.
2. L’intervention de la présidente de la CNIL suite à l’extension du passe sanitaire
(21/07/2021)
Les nouvelles mesures annoncées concernant l’extension du passe sanitaire semblent aller
à l’encontre des préconisations de la CNIL. Sa présidente, Marie Laure Denis, va ainsi
soulever plusieurs problématiques et mettre en garde la Commission des lois du Sénat en
appelant à correctement délimiter l’extension du passe.
A. Respect des droits et libertés fondamentaux
Alors que les lieux liés à certaines manifestations habituelles de libertés fondamentales ne
sont pas concernés, la présidente regrette l’inclusion de nombreux lieux touchant la vie
quotidienne de la population, “alors qu’une telle exclusion permettait de limiter les atteintes
aux droits des personnes”. Marie Laure Denis, s’interroge sur la pertinence d’imposer le
passe sanitaire pour les déjeuners en terrasse au même titre que les salles de restaurant,
alors que l’application du passe doit se faire “au regard de la densité de population observée
ou prévue”.
B. Respect de la vie privée et protection des données personnelles
"L’extension envisagée du passe va avoir pour conséquence de multiplier de façon
considérable les contrôles d’identité et de données de santé, déployés chaque jour sur
l’ensemble du territoire”. La présidente de la CNIL s’inquiète au sujet du contrôle du passe
sanitaire. Celle-ci met en garde sur la manière concrète dont le contrôle d’identité allié au
contrôle du passe sanitaire sera effectuée. “La vérification doit rester proportionnée à la
réalité des risques”.
C. Maitriser le risque de discrimination
Dans son intervention, la présidente de la CNIL regrette également le retrait de la gratuité
des tests PCR, devenus payants pour l’automne prochain, surtout au regard “des cas
particuliers de personnes qui ne sont pas en mesure de se faire vacciner en raison de
contre-indications”.
D. Caractère temporaire du dispositif
Enfin, alors que la CNIL soulignait l’importance du caractère temporaire du dispositif, une
mise en garde est ici posée concernant “le risque de phénomène d’accoutumance
préjudiciable qui pourrait conduire, demain dans un tout autre contexte sanitaire, à justifier
qu’on ait recours à un dispositif de contrôle numérique analogue.”
E. Conclusion
Marie Laure Denis conclut finalement en soulignant la nécessité d’une démonstration de
l’utilité de cette extension, à l’aube de la mise en oeuvre du précédent passe sanitaire, dont
le recul, les études et la documentation sont manifestement insuffisants pour mesurer
l’impact du dispositif sur la stratégie sanitaire globale.
3. L’adoption définitive du projet (25/07/2021)
Le 25 juillet a donc eu lieu l’examen et l’adoption définitive du projet de loi relatif à la gestion
de la crise sanitaire, incluant notamment le projet d’extension du passe sanitaire. Il est ainsi
possible de constater dans ces modifications un assouplissement de certaines mesures
annoncées.
Dans un premier temps, une date limite a été fixée à l’application du passe sanitaire. Ainsi,
celui-ci ne sera obligatoire que jusqu’au 15 novembre 2021, sauf si un nouveau vote a lieu,
respectant ainsi le caractère temporaire tant rappelé par la CNIL. Ensuite, alors que la
présidente de la CNIL se questionnait sur l’utilité d’imposer la vaccination au mineur,
l’obligation de détention du passe sanitaire sera levée jusqu’au 30 août pour les jeunes de
12 à 17 ans. Enfin, les centres commerciaux et grands magasins sont dorénavant exclus
des lieux soumis au passe sanitaire.
Il faudra alors attendre le 5 août 2020 pour que le Conseil constitutionnel rende sa décision
sur le projet de loi.
Jade DELEBECQUE
Etudiante en Droit
Raphaël RAULT
Avocat Associé