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L’AMBUSH MARKETING : UNE STRATEGIE MARKETING RISQUEE

QU’EST-CE QUE L’AMBUSH MARKETING ?

L’ambush marketing, ou "marketing d’embuscade", est une stratégie publicitaire qui vise à associer une marque, une entreprise ou des produits/services, à un événement bénéficiant d’une large couverture médiatique, sans en être un sponsor ou un partenaire officiel, et sans verser de contribution financière aux organisateurs de l’événement.

Bien que cette approche puisse offrir une visibilité à moindre coût, elle soulève d’importantes questions et risques juridiques.

Dans un contexte où les événements de grande envergure, tant sportifs, tels que les Jeux olympiques, les championnats du Monde (Coupe du Monde ou Euro de football, Coupe du Monde de rugby, tournoi de eSport…), que culturels (Festival de Cannes, Fashion Week…), attirent des millions de spectateurs et génèrent des investissements massifs en sponsoring, les organisateurs et les marques partenaires cherchent à protéger leurs droits exclusifs.

QUELLE REGLEMENTATION ?

En France, il n’existe pas de réglementation spécifique sanctionnant l’ambush marketing, à l’exception de protection spécifique des signes olympiques au profit du Comité national olympique et sportif français.

Les pratiques d’ambush marketing sont donc sanctionnées par le biais du parasitisme économique et de la concurrence déloyale.

L’ambush marketing peut également être appréhendé comme un corollaire de la contrefaçon, notamment lorsqu’il y a reprise des signes distinctifs.

Dans d’autres pays, certaines réglementations nationales sont adoptées pour lutter contre l’ambush marketing (tel que le London Olympic Games and Paralympic Games Act 2006 qui a été adopté pour protéger les Jeux olympiques de 2012 contre l’ambush marketing), et les structures sportives édictent également des lignes directrices afin d’empêcher toute association non autorisée avec leurs événements (notamment la FIFA et le CIO).

QUELS TYPES D’AMBUSH MARKETING ?

Il existe plusieurs formes d’ambush marketing, chacune présentant des défis juridiques distincts :

1. Ambush par association : Une entreprise tente de se lier indirectement à un événement, par exemple en utilisant des symboles ou des slogans rappelant l’événement.
Cette approche est souvent attaquée sous l’angle du droit des marques.

2. Ambush par intrusion : Une entreprise utilise des tactiques comme la distribution de produits, la sponsorisation d’athlète, ou l’affichage de publicités dans les lieux où se déroule un événement sans l’autorisation des organisateurs.
Bien que cela puisse ne pas enfreindre directement la loi sur les marques, cela peut violer des accords contractuels avec les autorités locales ou les organisateurs.

3. Ambush de proximité  : Une entreprise mène des activités publicitaires à proximité d’un événement pour capter l’attention des participants.
Les zones autour des stades ou des sites de compétition sont souvent soumises à des restrictions spécifiques pour empêcher de telles actions.

EXEMPLES DE PRATIQUES D’AMBUSH MARKETING

1. Nike et les Jeux Olympiques de 1996 :
Un des exemples les plus célèbres d’ambush marketing est celui de la marque de chaussures Nike lors des Jeux olympiques de 1996 à Atlanta. Bien que Reebok ait été le sponsor officiel de l’événement, Nike a réussi à capter l’attention du public en installant des panneaux publicitaires géants près des sites olympiques et en sponsorisant des athlètes de premier plan (tel que la star de l’athlétisme Carl Lewis), sans n’avoir jamais mentionné les Jeux Olympiques.

Le résultat ? Beaucoup de spectateurs ont associé l’événement à Nike, brouillant ainsi la distinction entre sponsor officiel et non-officiel, et entraîné des retombées financières considérables pour Nike, reléguant au second plan le partenaire officiel Reebok.

2. Pepsi et la Coupe du Monde de football de 2002 :
De la même façon, alors que Coca-Cola était le sponsor officiel de la Coupe du Monde de la FIFA 2002, Pepsi a lancé une campagne publicitaire avec des stars du football comme David Beckham. Les publicités ne faisaient pas de référence directe à la Coupe du Monde, mais elles utilisaient des images et des thématiques de football qui suggéraient une connexion avec l’événement.

3. Bavaria et la Coupe du Monde de football de 2010
Un autre exemple de pratique d’ambush marketing est celui de la marque de bière Bavaria lors de la Coupe du Monde de football 2010. La marque a distribué des robes orange (couleur emblématique de Bavaria) à un groupe de supportrices néerlandaises, vues par des millions de téléspectateurs.

Cette pratique a conduit à l’arrestation des femmes impliquées, sur demande de la FIFA, luttant activement contre ce type de pratique, et souhaitant préserver les intérêts de son partenaire officiel Budweiser.

4. Franck Provost et le Festival de Cannes
Dessange est depuis de nombreuses années le partenaire officiel du Festival de Cannes. Or, son concurrent Franck Provost, a longtemps profité de cet événement pour faire de la publicité associée.
Il a en effet reproduit, à plusieurs reprises, les expressions « coiffeur officiel des femmes » et celles de « Cannes » et de « Festival de Cannes », et en se présentant comme « un des acteurs beauté majeur du Festival de Cannes », en écrivant « A Cannes toutes ces femmes jurent par le même coiffeur ». Il a également sous entendu un partenariat de longue date en publiant sur ses réseaux sociaux « une idylle qui date de 20 ans déjà » et « un 20ème anniversaire de mariage ».

C’est sur cette base que Franck Provost a été condamné par la Cour d’appel de Paris à 120.000 euros de dommages et intérêts sur le fondement du parasitisme économique.

QUELS SONT LES RISQUES ET SANCTIONS ENCOURUS ?

Ainsi qu’il ressort de l’affaire Franck Provost, les sanctions sont généralement financières, avec des dommages et intérêts calculés selon la méthode appliquée en cas de concurrence déloyale et parasitaire (bénéfices illicites, perte de gain ou de chance pour le partenaire officiel et pour l’organisation ainsi que préjudice moral…).

Les sanctions applicables à la contrefaçon (de marque, de droits d’auteur…) peuvent également être prononcées en cas de reprises des signes distinctifs appartenant aux organisateurs de l’événement.

Amélie CAPON, Avocat associé spécialiste en droit de la propriété intellectuelle & Morgane TAILLEZ, Juriste en droit de la propriété intellectuelle