La pandémie mondiale de COVID-19 a amené le Gouvernement français à interdire, entre autres, les restaurateurs à accueillir du public pendant plusieurs mois.
Si certains d’entre eux disposaient des moyens techniques, humains et financiers pour développer une activité de vente à emporter, certains autres n’ont pas eu cette possibilité.
Pour eux, les deux périodes de confinement ont été synonymes d’une perte de chiffre d’affaires colossale.
Or, nombre de contrats d’assurance prévoient une garantie en cas de pertes d’exploitation.
Pour le restaurateur lillois qui nous concerne, le contrat d’assurance prévoyait de garantir les « pertes pécuniaires que vous pouvez subir du fait de l’interruption ou de la réduction de votre activité résultant (…) d’une mesure d’interdiction d’accès émanant des autorités administratives ou judiciaires, prises à la suite d’un évènement extérieur à votre activité ou aux locaux dans lesquels vous l’exercez ».
S’il est évident que la propagation mondiale d’un virus imposant un confinement total pendant plusieurs mois n’avait pas été imaginée par les parties au moment de la souscription du contrat, il n’en demeure pas moins que cet évènement inédit correspond à la définition contractuelle du sinistre et doit donc être garanti.
- La définition du sinistre
Le sinistre, rappelons-le, est défini au contrat comme la perte d’exploitation provoquée par « une mesure d’interdiction d’accès émanant des autorités administratives ou judiciaires, prises à la suite d’un évènement extérieur à votre activité ou aux locaux dans lesquels vous l’exercez ».
Tel est bien le cas des mesures gouvernementales d’interdiction d’accès au restaurant, conséquence du confinement.
L’assureur, déjà d’ordinaire peu enclin à exécuter ses garanties face aux sinistres classiques, a, sans surprise, refusé de garantir les conséquences de ce sinistre inédit.
Il fait valoir, en premier lieu, qu’il n’existait pas « d’interdiction d’accès à l’établissement » dès lors que le gérant et les salariés pouvaient toujours y accéder et, surtout, que les clients pouvaient pénétrer le restaurant pour récupérer leurs commandes à emporter.
Au-delà de la mauvaise foi de l’argument, celui-ci ne peut porter, le contrat ne contenant pas de définition de la notion « d’interdiction d’accès ».
L’assureur ne peut donc ajouter au contrat et imposer à son assuré qu’il justifie d’une interdiction d’accès absolue.
Surtout, entendue de la sorte, l’interdiction d’accès se confondrait avec l’impossibilité d’exploiter les locaux.
Or, le contrat ne prévoit pas, pour indemniser la perte d’exploitation, que l’assuré démontre une impossibilité d’exploiter son activité.
Enfin, lorsque le contrat d’assurance nécessite une interprétation, celle-ci doit se faire au bénéfice de l’assuré, qui n’a pu le négocier.
Le Tribunal de Commerce de Lille, saisi par le restaurateur, considère, dans sa décision du 6 octobre 2022, que l’événement survenu correspond en tout point à la définition contractuelle du sinistre et qu’en conséquence « les conditions de la mise en jeu de la garantie sont à l’évidence remplies ».
La décision précise qu’il n’est pas besoin de procéder à une quelconque interprétation du contrat. Toutefois, et si cette interprétation avait été nécessaire, les magistrats rappellent que, s’agissant d’un contrat d’adhésion, elle aurait dû être réalisée en faveur de l’assuré et aurait de toute façon abouti à conclure à l’exécution des garanties. En effet et selon la juridiction, les mesures gouvernementales d’interdiction d’accès du public au restaurant ont évidemment provoqué une interruption ou une réduction de l’activité et correspondent donc à la notion contractuelle d’interdiction d’accès émanant d’une autorité administrative.
L’interdiction d’accès ne peut donc être interprétée comme une interdiction absolue, s’étendant à l’ensemble du personnel exploitant les locaux.
Le Tribunal considère donc que la garantie est acquise.
À ce stade toutefois, le combat n’est qu’à moitié gagné pour l’assuré.
- La clause d’exclusion
En effet, l’assureur se prévaut par ailleurs d’une clause d’exclusion concernant « les dommages causés par les insectes, rongeurs, champignons, moisissures et autres parasites, ainsi que par les micro-organismes ».
Considérant le virus de la COVID-19 comme un micro-organisme, l’assureur espère ainsi pouvoir exclure sa garantie.
Les magistrats, suivant les arguments du restaurateur, ont jugé cette clause nulle et l’ont réputée non écrite. En effet, cette clause n’est ni formelle, ni limitée.
Elle est d’abord équivoque, faute de contenir une définition du terme micro-organisme.
Cette absence de définition empêche en premier lieu d’assimiler le virus de la COVID 19 à un micro-organisme.
En second lieu, et même si on acceptait d’assimiler le virus à un micro-organisme, les magistrats relèvent que « la perte d’exploitation subie par le restaurateur n’est pas due directement à un micro-organisme mais à une décision administrative interdisant l’accès et entraînant l’interruption de l’activité de l’établissement ».
La clause est donc équivoque.
Elle est, en outre, imprécise.
En effet, selon la définition commune, le micro-organisme correspondrait à tout être vivant qui n’est pas un macro-organisme.
La clause d’exclusion aurait alors un champ extrêmement large et imprécis.
Le Tribunal juge donc nulle cette clause d’exclusion du fait de son imprécision et de son caractère illimité et la répute non écrite.