03 66 72 26 33

Déchéance de marque – Lorsque l’on s’attaque au Big Mac de McDonald’s (Arrêt du Tribunal de l’Union Européenne du 5 juin 2024 – affaire T-58/23 | Supermac’s/EUIPO - McDonald’s International Property (BIG MAC))

Dans sa décision en date du 5 juin 2024, le Tribunal de l’Union Européenne vient rappeler les conditions dans lesquelles l’usage d’une marque peut être considéré comme sérieux.

Le litige soumis à la juridiction de l’Union européenne opposait la chaîne de restauration rapide irlandaise Supermac’s au géant américain de la restauration rapide McDonald.

Tout a débuté lorsque Supermac’s a voulu enregistrer sa dénomination sociale au sein de l’Union Européenne. Mc Donald s’y était opposé, arguant de son antériorité sur le signe similaire BIG MAC .

Mal lui en a pris puisqu’en défense, Supermac’s a, en avril 2017, déposé auprès de l’EUIPO* une demande en déchéance de la marque verbale BIG MAC n° 000062638, enregistrée depuis 1996, contre l’ensemble des produits et services visés en classes 29, 30 et 42.

Il appartenait alors à McDonald’s de démontrer qu’elle avait bien fait un usage sérieux et continu de son signe, sur une partie substantielle du territoire de l’Union, pour l’ensemble de ses produits et services, au cours des 5 dernières années.

Dans un premier temps, par une décision en date du 11 janvier 2019, la division d’annulation de l’EUIPO* a accueilli cette demande de déchéance de la marque, estimant que McDonald’s ne prouvait pas l’importance de l’usage de la marque BIG MAC .

Dans un second temps, sur recours formé par McDonald’s, la chambre de recours de l’EUIPO* a annulé une partie de la décision.

L’entreprise irlandaise a, à son tour, saisi le Tribunal de l’Union Européenne, afin que soit réformée la décision portant sur les produits et services suivants :

  • En classe 29 : «  Aliments à base de viande et volaille, sandwiches à la viande, sandwiches au poulet  » ;
  • En classe 30 : « Sandwiches comestibles, sandwiches au poulet  » ;
  • En classe 42 : « Services fournis ou liés à l’exploitation de restaurants et d’autres établissements ou infrastructures de restauration pour la consommation et le “drive-in” ; préparation de plats à emporter »

Dans sa décision rendue le 5 juin 2024, soit plus de 7 ans après le début du conflit judiciaire entre les deux géants de la restauration, le Tribunal de l’Union Européenne fait droit aux demandes de Supermac’s et déchoit McDonald’s de ses droits sur la marque BIG MAC , pour les produits et services précité.

Le Tribunal a ainsi considéré que les preuves fournies par McDonald’s étaient insuffisantes à établir l’existence d’un usage sérieux de la marque contestée, et l’importance de cet usage notamment en ce qui concerne le volume des ventes, la durée de la période pendant laquelle les actes d’usage ont été accomplis et leur fréquence.

En effet, seuls quelques documents tels que captures d’écran de publicités télévisées ne comportant aucune date certaine, posts sur les réseaux sociaux et présentations confidentielles, datant de 2016, avaient été fournis concernant la commercialisation d’un sandwich BIG MAC au poulet.

Le TPIUE procède donc à une appréciation stricte en estimant que l’usage du signe BIG MAC pour désigner des sandwichs à base de bœuf ne valait pas usage pour des sandwichs à base de volaille.

Il en est de même concernant les services liés à l’exploitation de restaurants et de préparation de plats à emporter : la production de preuves démontrant l’usage du signe BIG MAC pour des sandwichs et produits alimentaires ne vaut pas, par complémentarité, exploitation de ce signe pour les services de la classe 43.

C’est davantage le terme McDonald’s qui est utilisé pour proposer ce type de service.

ATTENTION : Cette décision ne conduit pas à interdire à McDonald’s l’usage de son signe BIG MAC pour la vente de ses sandwichs, la marque demeurant pour ses produits à base de viande, mais restreint son champ de protection juridique. Il est à noter que McDonald’s détient un large portefeuille de marques portant sur le terme BIG MAC .

Cette querelle judiciaire de longue haleine est une parfaite illustration de l’enjeu que représente l’action en déchéance de marque, qui peut être utilisée comme moyen de pression sur un concurrent, soit dans l’objectif de récupérer son signe, soit afin de forcer les négociations et la conclusion d’un accord sur d’autres revendications.

La leçon qui peut être tirée de cette affaire vaut pour l’ensemble des marques déposées au sein de l’Union Européenne, mais également dans la grande majorité des territoires nationaux : si la marque confère à son titulaire un monopole d’exploitation sur son signe, ce monopole n’est pas sans contrepartie et nécessite que la marque soit bien exploitée, de façon continue et sérieuse, sur le territoire visé, pendant 5 années consécutives à compter de son dépôt, ou de l’introduction d’une action en déchéance.

Nous vous conseillons dès lors de conserver soigneusement l’ensemble des documents et éléments permettant d’attester de cet usage, mais également de bien rédiger le libellé de vos produits et services lors du dépôt de votre marque, pour éviter toute remise en cause ultérieure.

Amélie CAPON, Avocat associé spécialiste en droit de la propriété intellectuelle & Morgane TAILLEZ, Juriste en droit de la propriété intellectuelle