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Accidents de la circulation et conventions entre assureurs : la garantie d’une indemnisation rapide ou le risque d’une indemnisation injuste

Ces conventions inter-assureurs ont pour effet, il faut le savoir, de faire peser l’indemnisation de la victime d’un accident de la circulation sur son propre assureur.

A priori, il n’y a pas à s’offusquer de cette modalité d’indemnisation.

A priori…

Cependant, lorsqu’on se penche sur ce qui sous-tend cette indemnisation, on s’aperçoit que le système recèle des risques pour la victime.

Les origines des conventions

Les assureurs automobiles ont à gérer, chaque année, près de 7,5 millions de sinistres routiers.

Avant l’établissement des conventions inter-assureurs, chaque accident de la circulation était réglé au cas par cas, en fonction des circonstances réelles de la survenance du sinistre.

Ce mode de traitement des dossiers avait pour inconvénient majeur de retarder gravement l’indemnisation des victimes. Celles-ci devaient en effet attendre le résultat du recours engagé entre les deux assureurs adverses afin de pouvoir obtenir son indemnisation.

Pour remédier à la lenteur de cette indemnisation mais aussi pour maîtriser le coût de traitement de ce contentieux de masse, les assureurs, en 1968, ont mis en place la convention IDA (indemnisation directe des assurés), aujourd’hui remplacée par la convention IRSA (indemnisation directe de l’assuré et de recours entre sociétés d’assurances).

Cette convention a pour effet de mettre à la charge de l’assureur de la victime l’indemnisation des dommages de son assuré pour le compte de l’assureur du responsable.

Ainsi, la victime d’un accident de la circulation reçoit l’indemnisation non pas par l’assureur du responsable mais par son propre assureur.

Cette convention a eu pour avantage de diminuer largement les délais de règlement et des contentieux en matière d’accidents matériels.

Récemment (en 2002), les assureurs ont décidé de compléter cette première convention d’une seconde cette fois applicable en cas d’accident corporel. Ils ont ainsi adopté la Convention IRCA (conventions d’indemnisation directe de l’assuré et de recours corporel automobile).

Cette convention a vocation à s’appliquer dès lors que deux véhicules se trouvent impliqués dans un accident de la circulation survenue en France métropolitaine, dans les départements d’outre-mer ou sur le territoire de la principauté de Monaco. Dès lors que le dommage corporel ne dépasse pas 5 % d’incapacité permanente partielle (ce qui représente près de 90 % des victimes d’accidents de la circulation), l’indemnisation est prise en charge par l’assureur de la victime.

Le but est, là aussi, de minorer les délais d’indemnisation et de supprimer les contentieux en cas d’accident corporel de la circulation.

Quand accélération ne rime pas avec amélioration

Si l’objectif premier de ces conventions consiste à accélérer l’indemnisation des victimes, leur mise en place recèle de nombreux points d’achoppement qui doivent être connus pour éviter de s’y laisser prendre.

Les conventions inter-assureurs ne sont en principe pas opposables aux victimes de la circulation et n’ont d’effet qu’entre les assureurs.

Ainsi, toujours en principe, l’assureur de la victime devrait lui offrir une indemnisation en application du droit commun de la responsabilité civile sans jamais avoir d’égard aux conventions qui le lient avec l’assureur du responsable.

Il s’agit là du principe.

[bleuAV]La réalité est toute autre[/bleuAV].

Le premier point d’achoppement réside dans l’engagement pris par les assureurs, par le biais de ces conventions, de ne pas exercer de recours entre eux, sauf exception.

En conséquence, dans la plupart des cas, l’assureur de la victime supporte seul et sans recours l’indemnisation qu’il lui offre.

La tentation est grande de minorer cette indemnisation...

Avec la convention IRCA (applicable aux accidents corporels de la circulation n’entraînant pas de séquelles supérieures à 5 % d’IPP), les dommages corporels sont aujourd’hui évalués et indemnisés directement par l’assureur de la victime.

Celle-ci est examinée par un médecin expert qui fait partie du réseau de l’assureur.

La question de son indépendance est délicate. En effet, l’assureur représente pour lui une part considérable de son chiffre d’affaires et le souci de conserver le marché peut, consciemment ou non, altérer l’objectivité du praticien.

(À cet égard, l’auteur renvoie à un document inquiétant rédigé par un salarié d’une assurance qui explique comment sa hiérarchie lui donne pour consigne d’offrir la moitié de l’indemnisation qui serait normalement accordée par un Tribunal... http://indemnisationcorporelle.fr/chapitres/md4.pdf)

Au-delà même de l’ampleur du dommage indemnisé, c’est la question même des responsabilités encourues qui pose problème et qui constitue le second point d’achoppement du système.

Dans le cadre de la convention IRSA (accidents matériels), le système est basé sur un barème forfaitaire de responsabilité en fonction des circonstances de l’accident.

La difficulté réside dans le fait que, bien entendu, cette convention n’a pas pu prévoir avec précision toutes les hypothèses de survenance des accidents de la circulation.

Les situations sont caricaturales, dessinées à gros traits et l’assureur doit s’évertuer à faire entrer le sinistre déclaré dans une hypothèse prévue par la convention.

Cela peut aboutir à des solutions parfaitement injustes.

Par exemple, si un accident survient entre deux véhicules alors que le véhicule A procédait à une manœuvre de recul, la convention prévoit que c’est automatiquement le véhicule A qui est entièrement responsable de l’accident. L’assuré du véhicule A n’aura donc droit à aucune indemnisation.

Pourtant, la loi du juillet 1985, dite loi Badinter, applicable aux accidents de la circulation, n’est pas aussi catégorique.

Si la victime d’un accident matériel peut se voir opposer sa faute, il faut, pour exclure totalement son droit à indemnisation, que celle-ci ait été la cause exclusive de l’accident.

La nuance est grande...

Dans l’exemple pris précédemment, il est probable que le conducteur du véhicule A n’ait pas été parfaitement prudent et ait initié sa manœuvre de recul sans avoir, au préalable, vérifié qu’il pouvait le faire en toute sécurité.

Toutefois, cette faute est-elle la cause exclusive de l’accident excluant tout droit à réparation ?

Le conducteur du véhicule B n’a-t-il pas, lui aussi, commis une faute parce que, pressé, il a procédé au dépassement un peu juste du véhicule qui le précédait ?

Rares sont les assurés qui contestent le refus d’indemnisation de leur assureur.

Cette docilité est le plus souvent due au fait que les assurés ignorent que ces conventions ne leur sont pas opposables et que leur situation est uniquement régie par le code de la route et la Loi Badinter.

L’avocat : le garant d’une juste indemnisation

Il convient ici de rappeler que l’adoption de ces conventions inter-assureurs a eu pour effet d’améliorer la situation des victimes en réduisant les délais de règlement, en supprimant des contentieux longs, lourds, aux résultats aléatoires et disparates.

Toutefois, il est impossible de mettre en place un traitement rationalisé de l’indemnisation des accidents de la circulation sans passer par une schématisation nécessairement caricaturale des situations à envisager.

En conséquence, avant d’accepter une offre d’indemnisation de l’assureur en cas d’accident corporel ou de se résigner à ne pas être indemnisé ou à ne l’être que partiellement au prétexte que, dans la situation décrite par le constat amiable, aucun droit à indemnisation n’est prévu, il convient de prendre le conseil d’un avocat.

C’est d’ailleurs la raison d’être des garanties de protection juridique souvent incluses dans l’assurance du véhicule.

Elles ont pour effet de faire prendre en charge les honoraires de l’avocat par l’assureur.

A cet égard, il faut conserver à l’esprit que toute intégration à un réseau rend complexe l’exercice indépendant de sa profession. Ce qui vaut pour le médecin Conseil de la Compagnie vaut également pour l’Avocat du réseau de l’assureur.

Contrairement à ce que celui-ci affirme parfois, la garantie protection juridique n’impose pas de recourir à un avocat figurant dans une liste proposée par l’assureur.

Le libre choix de l’Avocat est un droit du justiciable et une garantie de son indépendance.

Après avoir étudié votre situation particulière, celui-ci pourra vous confirmer que l’offre proposée par votre assureur est acceptable ou que le refus de vous indemniser est justifié.

Dans le cas contraire, il pourra obtenir de l’assureur un infléchissement de sa position, au besoin, par le biais d’une procédure intentée à son encontre ou à l’encontre de l’assureur adverse.

L’avocat est donc le meilleur garant de votre indemnisation.

Catherine POUZOL