Problématique :
Un prestataire qui met gratuitement à la disposition de ses clients son réseau Wi-Fi est-il responsable en cas de violation du droit d’auteur commise par l’un des utilisateurs du réseau ?
C’est à cette question que devra répondre la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) saisie d’une question préjudicielle par la juridiction allemande.
Dans cette affaire, la société SONY MUSIC ENTERTAINMENT Allemagne poursuivait un exploitant d’un magasin de techniques d’illumination pour avoir, par le biais de son réseau Wi-Fi ouvert, permis à un utilisateur de télécharger illégalement une œuvre appartenant au répertoire du célèbre distributeur.
Le Tribunal allemand a rejeté toute responsabilité directe de l’exploitant du magasin, ce dernier n’ayant pas porté atteinte directement aux droits d’auteur.
En revanche, les juges allemands se posaient la question de retenir sa responsabilité indirecte dans la mesure où l’exploitant n’avait pas sécurisé son accès internet.
L’avocat général SZPUNAR, dans ses conclusions du 16 mars dernier, rappelle tout d’abord l’application de la directive sur le commerce électronique qui instaure une limitation de responsabilité des prestataires intermédiaires dès lors que trois conditions cumulatives sont réunies :
- le prestataire n’est pas à l’origine de la transmission de la contrefaçon,
- il ne sélectionne pas le destinataire de la transmission,
- il ne sélectionne ni ne modifie les informations faisant l’objet de la transmission.
Selon l’avocat général, l’exploitant de magasin, de bar ou d’hôtel, même s’il offre à titre accessoire par rapport à son activité économique principale, un réseau Wi-Fi ouvert et gratuit à ses clients, peut bénéficier de ce régime de responsabilité de faveur, ce qui exclut toute condamnation en contrefaçon prononcée à son encontre.
En revanche, injonction avec astreinte peut lui être faite de cesser toute atteinte aux droits d’auteur.
Enfin, l’avocat général considère qu’aucune obligation générale de surveillance ne peut être imposée au prestataire qui met à disposition sa connexion Wi-Fi.
Admettre le contraire ne respecterait pas le juste équilibre entre les droits de propriété intellectuelle, d’une part, et la liberté d’entreprendre, d’autre part.
Cela n’est pas sans rappeler les critiques essuyées, en son temps, par l’adoption de la loi HADOPI en France.
Si les conclusions de l’avocat général venaient à être confirmées par la CJUE, la loi HADOPI qui oblige le propriétaire de la connexion à verrouiller son accès internet pour éviter toute atteinte aux droits de la propriété intellectuelle serait en totale contradiction avec les instances européennes.
Il s’agirait d’un nouveau coup porté à cette loi déjà bien affaiblie.
Affaire à suivre donc car la décision de la cour de justice de l’UE n’est pas encore intervenue....
Amélie CAPON
Avocat associé
Spécialiste en droit de la propriété intellectuelle