L’impression 3D et les Fab Lab (LEVEL 3)
L’impression d’un objet en 3 dimensions par le procédé de stéréolythographie* – création d’un objet par apposition de couches de matière superposées, sur la base d’un modèle numérique - est une technologie relativement ancienne, inventée en 1983 par Charles HULLS et utilisée depuis longtemps par les industries de l’aéronautique et de l’automobile pour l’échantillonnage de leurs pièces.
Cette technologie ou fabrication additive par ajout de matière présente l’avantage d’économiser les matériaux puisque n’est utilisé que ce qui est strictement nécessaire à la fabrication de l’objet.
Ce qui est nouveau, en revanche, c’est l’engouement du grand public pour cette technologie qui se démocratise grâce à la diminution du coût de l’imprimante couplé au développement du scanner 3D qui en facilite l’impression.
En effet, pour imprimer un objet en 3D, il est nécessaire de disposer d’un fichier informatique obtenu soit en transposant l’objet en format numérique, ce qui requiert des compétences plutôt techniques, soit en scannant l’objet ou en se rendant sur une plate-forme de téléchargement telle que Additiverse ou Cults.
Pour les personnes ne disposant pas encore d’une imprimante 3D chez elles, les FabLabs ou Fabrication Laboratory, qui sont des lieux ouverts au public, mettent à la disposition des machines-outils très différentes aux fins d’expérimentation, de conception et de réalisation d’objets de toute nature.
Chaque création vient alimenter la base de données des FabsLabs répartis dans le monde entier.
Se côtoient ainsi dans un FabLab, le particulier qui souhaite réparer son grille-pain, le créateur qui réalise son prototype en vue du lancement de son entreprise ou encore l’artiste qui souhaite dupliquer son œuvre en un nombre limité d’exemplaires.
Lieu de rencontres et de créativité, la philosophie des FabLabs repose avant tout sur le partage des connaissances et la création collaborative avec toute la communauté, ce qui n’est pas sans poser de questions sur l’exploitation des créations qui peuvent y être réalisées et sur les responsabilités des FabLabs en cas de reproduction d’objets contrefaisants.
Un FabLab peut-il exploiter librement les créations imprimées en son sein ?
Il s’agit de l’hypothèse dans laquelle un auteur se rend dans un FabLab pour imprimer sa création en 3D.
Par principe, les droits d’auteur naissent sur la tête de leur créateur.
Aucune formalité de dépôt n’est nécessaire, contrairement aux autres droits de propriété industrielle que sont la marque, les dessins et modèles et le brevet.
La protection au titre du droit d’auteur est donc accordée à l’objet imprimé en 3D du seul fait de sa création, dès lors qu’il est original, c’est-à-dire qu’il porte l’empreinte personnelle de son auteur.
L’objet en 3D qu’il soit protégé au titre du droit des marques, des dessins et modèles, du droit d’auteur ou du brevet reste la propriété de son créateur, peu important que sa fabrication ait eu lieu dans un FabLab.
Ainsi, lorsqu’un auteur souhaite dupliquer une lampe design dans un FabLab, il reste titulaire de l’intégralité de ses droits de propriété intellectuelle.
En revanche, l’impression d’un objet protégé grâce au matériel fourni par le FabLab a une influence sur les conditions d’exploitation de cette création.
En effet, en se rendant dans un FabLab lors d’Open Lab, journée ouverte au public avec mise à disposition gratuite des imprimantes et scanner 3D, le créateur accepte que ses créations soient partagées avec la communauté toute entière qui pourra librement les utiliser et les expérimenter, ce qui a nécessairement un impact non négligeable sur son développement commercial.
Il conviendra, dès lors, pour le créateur ou l’entreprise qui souhaite développer ou prototyper au sein d’un FabLab une création, de privatiser l’espace pour pouvoir l’exploiter ensuite librement.
Quelle responsabilité pour le FabLab qui met à disposition ses machines pour imprimer un objet contrefaisant ?
Dans la mesure où elle permet la reproduction d’un objet en 3D, l’impression 3D impacte potentiellement tous les droits de propriété intellectuelle, qu’il s’agisse de la reproduction d’une marque tridimensionnelle, d’un objet breveté ou protégé au titre du droit des dessins et modèles ou du droit d’auteur.
La contrefaçon sera constituée dès lors qu’il y a atteinte à un droit de propriété intellectuelle, quel qu’il soit.
Peu importe, à cet égard, que le FabLab ait eu connaissance ou non de la protection au titre des droits de propriété intellectuelle de l’objet imprimé en 3D.
La responsabilité du FabLab sera recherchée dans la mesure où il a permis à une personne de reproduire un objets contrefait : on parle alors de contrefaçon par fourniture de moyens.
De la même façon, l’utilisateur sera tenu pour responsable de l’atteinte aux droits de propriété intellectuelle d’un tiers.
Cette responsabilité de l’utilisateur et du FabLab pourra, toutefois, être écartée lorsque :
pour les droits de propriété industrielle, la marque, les dessins et modèles et le brevet, l’impression 3D d’un objet contrefaisant aura lieu dans un cadre privé, que la source du fichier numérique soit licite ou non ;
Pour les droits d’auteur, l’impression 3D a lieu dans un cadre privé et à condition que la source du fichier soit licite et que cette reproduction ne porte pas atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre par l’auteur.
Conseils aux FabLabs :
- Sensibiliser votre FabManager et les utilisateurs des imprimantes 3D aux droits de la propriété intellectuelle,
- Faire régulariser à chaque nouvel utilisateur une charte de bonne conduite dans laquelle il s’engage à respecter les droits de propriété intellectuelle des tiers et déclare détenir tous les droits de propriété intellectuelle sur les fichiers numériques mis à la disposition de la communauté,
- Responsabiliser les utilisateurs en créant une base de données regroupant l’ensemble des coordonnées des contributeurs du FabLab à chacun de leur passage, ce qui permet de retrouver plus facilement un éventuel contrefacteur,
- Définir avec chaque utilisateur son projet et contractualiser en conséquence pour éviter tout malentendu quant à l’exploitation future des droits de propriété intellectuelle par la communauté.
Amélie CAPON
Avocat associé
Spécialiste en Droit de la propriété Intellectuelle