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De l’importance de l’écoulement du temps dans les contrats d’assurance

Chacun a en tête la nécessité d’être vigilant quant à l’écoulement du temps dans sa relation avec son assureur. Cette vigilance est effectivement de mise au regard de la gravité des sanctions qui sont attachées au non-respect des différents délais prévus tant par les textes que par le contrat pour l’accomplissement de certaines formalités. Ne pouvant être exhaustive dans le cadre de cet article, je présenterai, en premier lieu, les délais se rapportant à la déclaration du risque et du sinistre (I) et, en second lieu, l’importance de surveiller la prescription biennale (II).

I. Les délais de déclaration

I.A. Le délai de déclaration des circonstances aggravant le risque ou créant un risque nouveau

Lors de la formation du contrat, l’assuré procède à une déclaration du risque qu’il souhaite garantir. Il le fait par le biais d’un questionnaire qui permet à l’assureur d’apprécier le risque et, corrélativement, de fixer le montant de la prime. Cependant, le contrat d’assurance étant un contrat qui s’exécute dans le temps, il arrive fréquemment que des circonstances nouvelles surviennent et provoquent une modification du risque soit en l’aggravant, soit en l’allégeant.

L’assuré a l’obligation de déclarer le risque nouveau ou aggravé dans un certain délai (tandis qu’il est seulement libre de déclarer l’évènement qui allège son risque).

Il doit procéder à la déclaration du risque aggravant dans les 15 jours de la survenance de la circonstance nouvelle. Ce délai légal (prévu par l’article L.113-2* du Code des Assurances*) peut être prolongé (mais pas réduit) par le contrat d’assurance liant les parties.

La conséquence attachée au non-respect de ce délai est grave puisqu’elle peut consister dans la déchéance de la garantie (I.C.).

Il faut donc préciser les contours de cette obligation déclarative.

  • En premier lieu, (article L.113-2* dernier alinéa), les assurances sur la vie ne sont évidemment pas concernées par cette obligation de déclaration du risque aggravant. En effet, il est de l’objet même de ces contrats d’assurer des risques qui, par nature, s’aggravent avec le temps du fait de l’apparition d’une maladie ou du simple effet de la vieillesse.
  • En second lieu, la circonstance aggravante doit être nouvelle, c’est-à-dire qu’elle devait être inconnue lors de la souscription du contrat. Si la circonstance aggravante existait lorsque l’assuré a répondu au questionnaire et qu’il a omis de la préciser, il lui appartiendra de démontrer qu’il n’en avait pas alors connaissance, sauf à s’exposer aux sanctions relative à la fausse déclaration du risque.

Par exemple, la majorité des contrats d’habitation comprennent un plafond de garantie quant au mobilier assuré. Si, au cours de la vie du contrat, des meubles sont acquis et entraînent un dépassement du plafond garanti, l’assuré doit procéder à une déclaration supplémentaire. Ce même type de contrat se retrouve auprès des entreprises qui, par exemple, garantissent leur matériel informatique ou industriel.

  • En troisième lieu, les circonstances concernées par cette obligation de déclaration doivent être de nature à aggraver le risque ou à en créer un nouveau. Le texte précise que ces circonstances doivent rendre « inexactes ou caduques les réponses faites à l’assureur, notamment, dans le formulaire » de déclaration du risque.

En conséquence de cette précision, si ce document ne comprenait aucune question se rapportant à la circonstance nouvelle, l’assuré n’a pas d’obligation de déclaration. Ainsi, la Cour de Cassation, le 24 juin 1997, a jugé que si l’assuré n’avait effectivement pas déclaré, en cours de contrat, la découverte de désordres affectant les installations assurées, il ne pouvait toutefois lui être reproché une absence de déclaration puisque, lors de la conclusion du contrat, l’assureur n’avait posé aucune question sur l’état des lieux et des installations.

Cette déclaration de l’aggravation des risques doit être faite par courrier recommandé dans le délai imparti par le contrat ou, à défaut, dans le délai légal de 15 jours à partir du moment où il a eu connaissance de la circonstance aggravante.

Face à cette déclaration d’un risque aggravé, l’assureur peut décider de résilier le contrat, poursuivre le contrat sans modification ou réévaluer le montant de la prime par l’édition d’un avenant.

I.B. Le délai de déclaration du sinistre

Une fois le sinistre survenu, l’assuré doit « donner avis à l’assureur, dès qu’il en a eu connaissance et au plus tard dans le délai fixé par le contrat, de tout sinistre de nature à entraîner la garantie de l’assureur » (article L.113-2* 4° du Code des Assurances*).

La loi laisse donc au contrat le soin de fixer le délai de déclaration. Toutefois, on décèle dans le texte, l’exigence de célérité imposée à l’assuré, qui doit donner avis à son assureur « dès qu’il en a eu connaissance ». Afin de le protéger de délais contractuels trop brefs, la loi a posé un délai légal minimal de 5 jours ouvrés.
Ce délai de principe connaît des exceptions, importantes, comme par exemple pour le vol, qui doit être déclaré dans les 2 jours ouvrés.

Les délais de déclaration du sinistre, même s’ils sont variés, sont tous marqués par leur brièveté. Il importe donc, lorsqu’un sinistre survient, de ne pas tarder à procéder à sa déclaration à l’assureur.

Ce délai court le lendemain à 0 heure du jour de la connaissance du sinistre et s’arrête à minuit le dernier jour du délai légal ou conventionnel.

Aucune forme n’est imposée par la loi pour procéder à cette déclaration de sinistre et cette absence de forme ne peut être alourdie par des clauses contractuelles (1ère Chambre Civile, 5 octobre 1994, n°92-17.487). Ainsi, la déclaration de sinistre peut être simplement orale (appel téléphonique ou déclaration verbale auprès de la compagnie d’assurance) ou écrite (lettre simple, lettre recommandée, message électronique, …).
La prudence impose toutefois de préférer une forme permettant de prouver la réalisation de la déclaration de sinistre (un fax est ainsi un excellent moyen de procéder rapidement à une déclaration de sinistre sécurisée, grâce à l’accusé de réception permettant d’en démontrer la transmission).

I.C. La sanction de l’écoulement du délai de déclaration

La loi prévoit la possibilité, si elle est prévue dans le contrat, de sanctionner l’écoulement de ces délais par la déchéance (c’est-à-dire par la perte du droit pour l’assuré à bénéficier de la garantie souscrite pour le sinistre qu’il a subi). Il s’agit d’une conséquence lourde qui, par voie de conséquence, est encadrée par le législateur.

Trois conditions sont posées :

  • Cette sanction doit résulter d’une clause contractuelle claire et précise qui doit être rédigée en caractères très apparents. En conséquence, si l’assureur n’est pas en mesure de démontrer que l’assuré a eu connaissance des conditions générales contenant la clause de déchéance, celle-ci ne pourra lui être opposée (par exemple, Civ. 1ère, 21 juin 1989).
  • Par ailleurs, cette sanction n’est opposable à l’assuré que si l’assureur démontre que le retard à la déclaration du risque ou du sinistre lui a causé un préjudice. Cela ressort de l’appréciation des magistrats qui peuvent estimer, faute de préjudice, que la déchéance ne peut être opposée.
  • Enfin, cette sanction n’est évidemment pas opposable si la tardiveté de la déclaration résulte d’un cas fortuit ou d’un cas de force majeure (circonstances qui sont également à l’appréciation des magistrats).

Il faut préciser que, puisque cette déchéance est une sanction de l’obligation de l’assuré de déclarer le risque ou le sinistre à son assureur, qu’elle n’est évidemment pas opposable aux tiers au contrat d’assurance.

Ainsi, les victimes, dans le cadre des assurances de responsabilité, disposent d’une action directe contre l’assureur du responsable. L’éventuelle déchéance de l’assuré-responsable ne pourra leur être opposée. L’assureur devra les indemniser puis, agir à l’encontre de son assuré, pour obtenir le remboursement des sommes versées. Ce même mécanisme existe au titre des assurances de choses lorsqu’un créancier est titulaire d’une sûreté réelle sur cette chose (cela est fréquent au sein des entreprises où les machines sont achetées avec une clause de réserve de propriété).

Face à l’écoulement du temps, il arrive (et cela n’est pas exceptionnel) que les assureurs ne fassent pas jouer la déchéance. De même que face à l’acquisition d’une prescription biennale, il arrive que les assureurs, tacitement ou plus rarement, expressément, renoncent à la faire valoir et maintiennent leur garantie.

II. La prescription biennale

II.A. Les contours de la prescription biennale

Cette prescription courte, de deux ans, est posée par l’article L.114-1 du Code des Assurances* qui dispose que : « Toutes actions dérivant d’un contrat d’assurance sont prescrites par deux ans à compter de l’événement qui y donne naissance ».

Il existe toutefois des délais plus longs, par exemple, dans le cadre des assurances sur la vie.

Pour que cette prescription courte s’applique, il faut, en premier lieu, qu’elle soit connue des parties. En conséquence, cette prescription est inopposable si la police d’assurance ne rappelle pas les dispositions relatives à cette prescription.

Cela résulte d’un texte réglementaire du Code des Assurances* (l’article R.112-1 du Code des Assurances*) qui prévoit que la police d’assurance doit rappeler « la prescription des actions ou dérivant du contrat d’assurance ». Alors que ce texte n’est assorti d’aucune sanction, la deuxième Chambre Civile a jugé, par plusieurs arrêts rendu à partir de l’année 2009, que les professionnels d’assurance devaient rappeler précisément et expressément les dispositions légales relatives à la prescription, et à ses causes d’interruption. Le seul renvoi au texte ne suffit pas. Les professionnels doivent reproduire in extenso les articles (par exemple Civil.3ème, 16 novembre 2011).

En second lieu, cette prescription ne s’applique qu’« aux actions dérivant d’un contrat d’assurance ».

Cela signifie, d’abord, elle ne s’applique qu’aux actions et non aux exceptions, c’est-à-dire aux moyens de défense qui peuvent être soulevés au-delà de l’écoulement de ces deux années. Ensuite, cette prescription n’a vocation à s’appliquer qu’aux actions qui sont fondées sur la relation contractuelle entre l’assureur et l’assuré. Ainsi en est-il :

  • des actions liées à la validité et à l’existence du contrat d’assurance ;
  • des actions liées à l’exécution du contrat d’assurance (action en paiement des primes, action en règlement des sinistres, action en responsabilité contractuelle de l’assureur dans l’exécution du contrat pour défaut de conseil, par exemple…).

Au contraire, ne sont pas concernés par cette prescription, les actions qui n’ont pas pour fondement cette relation contractuelle. Ainsi, en est-il :

  • des actions en responsabilité engagées par la victime contre l’assuré ;
  • des actions subrogatoires engagées par l’assureur contre le tiers responsable ;
  • des actions en répétition de l’indu (action introduite par l’assureur pour obtenir la restitution d’une indemnité qu’il n’aurait pas dû verser.

De manière audacieuse mais protectrice des victimes, la jurisprudence a même décidé que cette prescription biennale n’était pas opposable à la victime qui agissait directement contre l’assureur de son responsable. La Cour de Cassation estime en effet que l’action de la victime trouve son fondement dans son droit à réparation et non dans le contrat d’assurance à l’égard duquel elle est tiers (voir par exemple, 2ème Civile, 10 février 2011).

II.B. Les règles de la prescription biennale

Le point de départ de la prescription biennale est fixé par l’article L.114-1 du Code des Assurances* « à compter de l’événement qui donne naissance » à l’action dérivant du contrat d’assurance.

Ainsi, et évidemment, le jour de la survenance du sinistre (ou de la consolidation en ce qui concerne les accidents corporels) constitue l’événement qui donne naissance au droit de l’assuré de réclamer le paiement de l’indemnité par son assureur. En conséquence, son action se prescrit par deux ans à compter de cet évènement.

Autre exemple, en cas de dommages causés par une catastrophe naturelle, le délai de prescription commence à courir le jour où est rendu l’arrêté de catastrophe naturelle puisque cet arrêté conditionne le droit à indemnité de l’assuré.

Evidemment, ce délai ne court que du jour où le sinistre est connu. Cette précision du texte (L.114-1 2°) est illustrée par le même article qui prévoit le report du point de départ du délai de prescription lorsque « l’action de l’assuré contre l’assureur a pour cause le recours d’un tiers ».

En effet, avant ce recours, il est très probable que l’assuré ignorait l’engagement de sa responsabilité.

Ce délai de deux ans peut connaître des causes d’interruption (le délai de prescription est effacé et un nouveau de même durée commence à courir) ou de suspension (le cours du délai est temporairement arrêté sans effacer le délai déjà couru).

  • Les causes d’interruption de la prescription biennale

Il existe des causes propres au droit des assurances. Ainsi, la désignation d’un expert à la suite d’un sinistre, que cette désignation soit judiciaire ou amiable, interrompt la prescription (en droit commun, elle ne fait que la suspendre). Attention, la prescription est seulement interrompue, c’est-à-dire que le cours de celle-ci reprend dès la désignation effectuée.

De même, l’envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception interrompt le délai.

Au-delà de ces causes interruptives de prescription propres au droit des assurances, jouent également les mécanismes interruptifs de droit commun :

  • la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait (article 2240 du Code Civil), cette reconnaissance peut être tacite et résulter d’un comportement dénué d’équivoque. Ainsi, en est-il, par exemple, de l’assureur qui désigne un expert après le délai de prescription (1ère Chambre Civile, 3 mai 2001) ;
  • une demande en justice, même en référé, même devant une juridiction incompétente, même par un acte annulé, cette demande en justice interrompt la prescription qui ne recommence à courir qu’après l’extinction de l’instance.

L’acte d’exécution forcée, qui est également une cause interruptive de prescription de droit commun, n’a pas d’application pratique en ce qui concerne l’interruption de la prescription biennale.

  • Les causes de suspension de la prescription biennale.

Il n’y a pas de mécanisme propre au droit des assurances. En revanche, toutes les causes traditionnelles de suspension sont admises. Ainsi, en est-il de la personne qui se trouve dans l’impossibilité d’agir, des mineurs non émancipés ou des majeurs en tutelle ou du recours à la médiation ou à la conciliation prévues par le Code Civil (les simples pourparlers n’ont aucun effet suspensif). Enfin, l’attention doit être attirée sur un cas de suspension particulièrement utilisé en droit des assurances : l’expertise judiciaire. En effet, s’agissant d’une mesure d’instruction, son prononcé par un juge judiciaire suspend le délai de prescription (article 2239 du Code Civil*).

En conséquence, lorsqu’une expertise judiciaire est ordonnée, la prescription est suspendue jusqu’à son exécution, c’est-à-dire jusqu’au dépôt du rapport d’expertise. Ensuite, elle recommence à courir pour le délai qui subsistait. Il faut donc être vigilant lorsque les rapports d’expertise sont rendus, et, au besoin, interrompre la prescription par le simple envoi d’un courrier recommandé avec accusé de réception.


Catherine POUZOL